15 octobre 2006

Route de la Soie 5


Les convoyeurs du ciel
Dans ces imposantes caravanes, plus achalandées que n’importe quelle demeure pakistanaise, vivent des familles de routards gaillards en diable, à l’affection souvent aussi douteuse que les clopes qu’ils se roulent, mais qui ont entre eux cette tendre attention qui relève à la fois du grand-père à histoires et du frère au coup de main preste.

L’équipage est immuable : un chauffeur qui fume à plein temps, l’aide chauffeur aux gros bras sales qui « fait » la route autant dans les passages difficiles qu’en retapant les tronçons effondrés, et le petit « kleaner » - généralement un mignon d’une douzaine d’années qui mourra avant d’en avoir vingt - dont les tâches subalternes vont du service du thé jusqu’à la lessive. Une petite famille donc, qui s’agrandit chaque nuit et à chaque repas par celle d’autres routards qui ont franchi les mêmes cols enneigés, comblé des heures le même glissement de terrain, contemplé le même crépuscule, ou qui attendent qu’on leur en fasse le récit.

Une vie de nouveaux nomades pour laquelle je ne me sentais pas prêt jusqu’à aujourd’hui. Aujourd’hui, borne 215 de la Karakorum Highway, quatrième jour de route dans la petite cabine d’un camion chargé par dix tonnes d’abricots et de noix.