24 avril 2006

Inde : Gitans du Rajasthan 2



Foulli, la « Princesse des Rats »



Parmi ces enfants de l’exil, souvent trop fiers ou trop « intouchables » pour être approchés, il est une petite famille de Bhopas qui a construit sa hutte de boue parmi les rats de Jaisalmer.

Si vous voyez briller l’éclat d’un bracelet ou le reflet soyeux d’une robe vermillon, c’est que Foulli est là, et que ses deux filles doivent être accrochées à une main ou un bout de sein.

Comme le médecin lui demandait 10’000 roupies pour une césarienne (200 euros, le salaire d’un an pour ces intouchables), elle s’est couchée dans un coin de tente et a laissé œuvrer le couteau de cuisine de la voisine… Son premier fils n’a donc pas survécu à cette boucherie : Foulli avait juste seize ans.

Mais Dungra, l’époux que son père lui a choisi, ne boit pas et aime autant ses enfants que sa femme – la fragile roue de la chance avait donc tourné. Depuis qu’il s’est imaginé m’enseigner l’art de son étrange violon Bhopa, ils ont même un gamin de plus. Car c’est avec ces frères d’exode que j’ai passé mes jours et mes nuits au pays des Maharajas, là où les vraies princesses ne sont pas celles que l’on croit.

Deux mois après les avoir quittés, je suis déjà revenu les voir : ils allaient reprendre la route. Et je les retrouverai encore sur la poussière des grands chemins, lorsque la mousson les aura chassés plus loin et que je reviendrai de la Chine et du Pakistan : j’ignore bien où, ni réellement quand, mais je les retrouverai, je l’ai promis.

Retrouvez vous aussi Foulli et les « Gitans du Rajasthan », dans les reportages de Passe-Moi les Jumelles, le 24 mai prochain sur la TSR (Télévision Suisse Romande 1 et 2).

Inde : Gitans du Rajasthan 1






























Gitans du Rajasthan 1

Il est enfin un pays pour les vauriens, les poètes et les baladins…


Les gitans du Rajasthan ne sont ni Brahmanes ou prêtres (la plus haute caste indienne), ni Ksatriya ou princes guerrier (seconde des quatre castes), ni commerçants Vaisya, ni de simples hommes à bras Sûdra. En fait, selon le système des « varna » (qui signifie « castes » ou « couleurs »), ils font partie de la vaste population indienne des intouchables et la société n’attend rien de leur part. Des troubadours, des va-nu-pieds, des bon-à-rien...
Mais ces hors-castes ont encore une sorte de violon, une danse ou un chant improvisé sortis tout droit des origines gitanes : Nat acrobates, danseuses Kalabilias, marionnettistes Bhopas, charmeurs de serpent Jogis, rétameurs de chaudrons, danseurs d’ours ou musiciens Manganyars, leurs arts de parias égaient toujours la cour des Maharajas. On les nomme d’ailleurs « Kalakar », puisque, depuis que les Dieux jaloux les ont jetés sur la poussière des routes, ils sont « artistes ». Alors on s’entend à merveille. Souvent nomades, mais sans troupeau, ils allaient déjà de village en village animer les cérémonies de toutes les castes bien avant nos propres tziganes.

Car c’est bien de ce Rajasthan que sont partis tous les gitans de la planète, il y a maintenant plus de mille ans.