Pakistan 2 : Le mystère des Kalash
Les mains gainées, noircies à ne plus les reconnaître, toutes tailladées de froid et des travaux kalashas, le corps juste lavé par l’aube à l’eau des moulins, je suis chaque semaine plus terreux, à chaque cérémonie plus béni du sang des chèvres immolées. Chaque jour ma peau ressemble plus à l’écorce des vieux chênes, et j’ai pourtant le cœur si léger… D’ailleurs, à force de chapatis (galettes de blé non levées) mon odeur a changé : je sens le vieux bois et le suint des chevreaux.
Ces Kalashs sont les derniers « Kafirs » (païens) de l’Indukush. On les dit en effet « infidèles », puisqu’ils ne sont pas musulmans ; on les dit encore chamanes ou descendants d’Alexandre de le Grand et fruit du plaisir de ses soldats, mais les Kalashs sont avant tout de ces Ariens nomades qui ont jadis posé leur exode avant les plaines gangétiques. Cause de leur persécution, ils ont surtout la folie de croire à cette brave vie qui se joue à chaque instant sous nos yeux et se font un vrai culte de la fêter.
Pourtant la pression musulmane entraîne chaque année de nouvelles conversions ; chaque jour la culture kalasha et sa tradition orale doivent luter pour que soient régénérés les saisons, les pâturages, les âmes, pour qu’ils puissent encore exister.
Je suis là, dans une chaumière enneigée, près de ce col de la frontière pakistano-afghane dès lors fermé pour des mois, là, le sourire gelé sur le visage, tant je suis heureux, et tant il fait froid. Un mois captif de cette chaleur qui retient les cœurs, qui les empêche de geler pour de bon, et maintenant bloqué par la neige.